Résumé : Toutes les choses de l’univers changent perpétuellement dans un cycle sans fin ; rien ne s’en va qui ne revienne, tout ce qui atteint son apogée connaît un déclin, après chaque fin il y a un nouveau début. Les trigrammes et les hexagrammes qui doivent servir, pour les Chinois, de modèle pour les activités humaines, puisqu’ils exemplifient les lois universelles, reflètent ces transformations et ces mutations.
Mots-clés : hexagramme, yin et yang, hasard.
L’exercice s’inspire du livre La spirale de l’escargot de Armand Hersovici, Seuil, février 2000 et du site http ://www.multimania.com/ geomance/ tirage.htm.
Armand Hersovici cite l’histoire des huit trigrammes du Luoshu. C’était il y a 4300 ans, le mythique empereur Yu, le fondateur de la dynastie des Xia, ancien ministre du roi Shu, puis son successeur, conclut une alliance avec le dieu du fleuve Jaune et lui céda la moitié de son corps en gage de sa personne entière. Devenu ainsi hémiplégique, il parcourut le monde de sa démarche sautillante et claudiquante, donnant naissance au pas de Yu, danse magique pratiquée par les sorciers de la Chine ancienne. Par cette danse, il ordonna le monde, le stabilisant par cinq montagnes.
Une tortue aperçut la silhouette de Yu et lui présenta sa carapace sur laquelle était inscrit un message divin. D’un coup d’œil, Yu avait appréhendé l’étonnant dessin et avait ressenti dans une intuition géniale l’existence sous-jacente d’une signification profonde. Le diagramme du Luoshu recèle une symbolique d’une grande richesse. On y retrouve, bien entendu, le yin et le yang, mais également les cinq éléments qui composent l’univers : Shui, Mu, Huo, Di et Jin (l’eau, le bois, le feu, la terre et le métal), ainsi que les neuf périodes du calendrier chinois.
On y découvre aussi les huit trigrammes du Luoshu : Ch’ien, Chen, K’an, Ken, K’un, Li, Sun, Tui (le créatif, celui qui éveille, l’insondable, celui qui repose, le réceptif, le brillant, le doux, le joyeux). Leur combinaison deux à deux, inventée, mille ans après la mort de Yu, par Wen, premier empereur de la dynastie des Zhou, produit les 64 hexagrammes, trame de l’Yijing, l’extraordinaire Livre des transformations.
La compréhension des trigrammes ne se conçoit pas sans celle du yin et du yang. Yi yin yi yang zhe wei dao, « un temps de yin et un temps de yang, voilà le dao », telle est la fameuse formule de Confucius qui résume la philosophie de l’alternance dialectique du yin et du yang, qui se présentent comme composants complémentaires du tout (dao). Le yang représente le jour, la lumière, le caractère intellectuel, le ciel, le soleil, le chaud, l’été, la montagne, la force positive, l’activité, le masculin, les nombres impairs. C’est ce qui modifie ce qui existe déjà. Le yin représente la terre, la nuit, l’obscurité, le caractère intuitif, la lune, le froid, l’hiver, l’eau, la force négative, le malléable, le féminin, les nombres pairs. C’est ce qui cristallise et solidifie ce qui existe déjà.
La théorie du yin et du yang soutient que toute chose dans la nature comporte deux aspects opposés, le yin et le yang. Cette opposition se concrétise par un conflit permanent de l’un avec l’autre, résultant du contrôle réciproque. Mais en même temps que le yin et le yang s’opposent, ils ont entre eux une relation d’interdépendance fondamentale, et aucun des deux ne peut exister sans l’autre.
Dans le diagramme du Luoshu, le yang (impair) est symbolisé par un trait continu d’un seul tenant, et le yin (pair) par un trait discontinu en deux morceaux. Le yang représente l’extension, et peut donc être figuré ainsi : ←→. Le yin représente la contraction, et peut donc être figuré ainsi : →←. Si on ôte les pointes et les flèches, la structure continue et discontinue du yin et du yang se révèle.
Un trigramme consiste dans la superposition de trois traits continus (yang) ou discontinus (yin), et c’est la combinaison des yin et yang dans le trigramme qui lui donne son caractère et sa signification propre.
Sur le diagramme du Luoshu, les trigrammes sont disposés selon une rose des vents à huit branches. Aux extrémités de ces branches figurent les arrangements de points blancs ou noirs. Lorsqu’ils sont en nombre pair, ces points sont blancs, et ils sont noirs lorsqu’ils sont en nombre impair. Le nombre de points (qui figure également en chiffre) constitue le numéro d’ordre du trigramme. La position des trigrammes sur la rose des vents et la répartition du yin et du yang dans chaque trigramme permirent à Yu d’interpréter leur signification en usant de raisonnements longs et subtils.
En voici un petit résumé, qui constitue un niveau de raffinement de la théorie du yin et du yang dans la vision du monde. On y retrouve deux approches fondamentales du mode de raisonnement chinois : la classification et les associations.
(1,1) | |||||||
(2,1)Trigramme | (2,2)Attribut | (2,3)Animal | (2,4)Corps | (2,5)Famille | (2,6)Direction | (2,7)Pôle | |
(3,1)Ch’ien (Ciel) | (3,2)Force, | (3,3)Cheval | (3,4)Tête | (3,5)Père | (3,6)Nord-ouest | (3,7)Yang | |
(4,1) | (4,2)Créativité | ||||||
(5,1)Chen (Tonnerre) | (5,2)Mouvement, | (5,3)Dragon | (5,4)Pied | (5,5)Fils aîné | (5,6)Est | (5,7)Yang | |
(6,1) | (6,2)initiative, action | ||||||
(7,1)K’an (Eau) | (7,2)Danger | (7,3)Porc | (7,4)Oreille | (7,5)Second fils | (7,6)Nord | (7,7)Yin | |
(8,1)Ken (Montagne) | (8,2)Repos, arrêt | (8,3)Chien | (8,4)Main | (8,5)Fils cadet | (8,6)Nord-est | (8,7)Yin | |
(9,1)K’un (Terre) | (9,2)Docilité, | (9,3)Bœuf | (9,4)Ventre | (9,5)Mère | (9,6)Sud-est | (9,7)Yin | |
(10,1) | (10,2)réceptivité | ||||||
(11,1)Li (Feu) | (11,2)Brillant | (11,3)Faisan | (11,4)×il | (11,5)Seconde fille | (11,6)Sud | (11,7)Yang | |
(12,1)Sun (Vent) | (12,2)Pénétration, suivi | (12,3)Volaille | (12,4)Cuisse | (12,5)Fille aînée | (12,6)Sud-est | (12,7)Yin | |
(13,1)Tui (Lac) | (13,2)Plaisir, joie, | (13,3)Mouton | (13,4)Bouche | (13,5)Fille cadette | (13,6)Ouest | (13,7)Yang | |
(14,1) | |||||||
(15,1) |
Mais Yu ne put concevoir le second niveau de raffinement. Il fallut attendre mille ans pour que le roi Wen mette sur pied l’arrangement des 64 hexagrammes. L’empereur Shang l’avait emprisonné, et le roi Wen élabora les 64 hexagrammes, non pas comme une construction destinée à décrire des concepts abstraits mais comme un ensemble relatant sa vie, et la manière dont elle pourrait être utile en renversant l’empereur corrompu Shang, pour mettre en place un nouveau gouvernement.
Un hexagramme s’obtient par la superposition de deux trigrammes l’un au-dessus de l’autre. Huit trigrammes permettent de réaliser 64 combinaisons de ce type. Chacun des 64 hexagrammes peut donner lieu à une interprétation qui découle de sa position dans l’arrangement des 64, et également des deux trigrammes qui le composent. Le roi Wen se livra à une telle interprétation, et il rédigea un « jugement » pour chacun.
L’un de ses fils était le duc de Zhou. Pour chacun des jugements de Wen, le duc de Zhou écrivit un texte poétique, de telle sorte que chaque vers corresponde à une ligne de l’hexagramme correspondant.
Bien plus tard, des commentaires tels que les « dix ailes » (dont certains sont attribués au grand Confucius lui-même) furent ajoutés. Et ce sont tous ces éléments rassemblés qui constituent l’Yijing, (le Livre des transformations).
Il convient de présenter maintenant un exemple de consultation de l’oracle Yijing. Le processus commence par un tirage au sort, destiné à déterminer l’hexagramme concerné. Mais, bien entendu, durant le tirage, il faut se recueillir et formuler une question claire, par exemple : « Le moment est-il propice à la réalisation de... ? », etc. Le tirage s’effectuait autrefois à l’aide de baguettes d’achillée (achilléomancie). On utilise aujourd’hui des pièces chinoises (scapulomancie), au nombre de trois (chaque pièce représente le monde tel que l’imaginaient les Chinois anciens, avec la terre carrée au centre d’un univers circulaire). Le côté face est égal à deux, et le côté pile est égal à trois.
Lorsque la question est clairement formulée, on lance les trois pièces à la fois. Si le total du jet est pair (6 ou 8), on obtient une ligne brisée (yin). Dans l’autre cas (7 ou 9), on obtient une ligne continue (yang). Avec six jets successifs, on construit un hexagramme, le premier trait étant le trait inférieur, le suivant se trouvant immédiatement au-dessus, etc. L’hexagramme ainsi obtenu représente l’état actuel.
Mais pour les Chinois, toutes les choses de l’univers changent perpétuellement dans un cycle sans fin. Les hexagrammes reflètent ces transformations par l’intermédiaire des traits mutants.
Les traits mutants sont obtenus lorsque les trois pièces tombent toutes du même côté : résultat pair avec 2 + 2 + 2 = 6, ou impair avec 3 + 3 + 3 = 9. Lorsque le total est entièrement pair, on a affaire au vieux yin, et au vieux yang en cas de résultat totalement impair. Selon la théorie de l’Yijing, ces traits sont mutants, et se transforment en leur opposé : le vieux yin devient yang, et le vieux yang devient yin. Il en résulte un nouvel hexagramme, qui représente l’état futur. S’il n’y a pas de trait mutant, la situation est considérée comme stable, et sans développement dans le futur immédiat.
Le but du problème est de simuler un oracle Yijing.
On peut représenter les hexagrammes en considérant les traits sous forme logique (vrai ou faux) pour continu ou discontinu. Pour l’oracle, il faut enregistrer les 64 phrases du Yijing. Puis on tire des pièces de monnaie comme indiqué plus haut.
La solution actuellement proposée est donnée par les fichiers MatLab : yinyang.m, trigrammesdef.m et hexagrammesdef.m.