Résumé : la date de Pâques est un condensé du calendrier lunaire-solaire juif et des calendriers julien et grégorien. Les algorithmes permettant de déterminer la date de Pâques sont compliqués et sont truffés de règles spéciales, pour tenir compte des exceptions. En revanche si l’on se limite à la période allant de 1900 à 2099 inclus il existe une méthode très simple conçue par Thomas O’Beirne de Glasgow.
Mots-clés : congruence, reste, Gauss, Fermat.
L’exercice s’inspire du livre Le monde mathématique de Martin Gardner, Pour la science, 1984 et des pages Internet :
http://www.pourlascience.com/paques/paques.htm.
La définition de la date de Pâques fut adoptée au concile de Nicée, en 325. Après d’âpres débats, on décida que Pâques serait « le dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune qui tombe le 21 mars ou immédiatement après ».
Pourquoi cette définition compliquée ? Le choix du dimanche s’impose si l’on veut célébrer le jour de la résurrection du Christ. Toutefois, au début de la Chrétienté, les églises d’Orient, restées proches de la tradition juive, choisissent plutôt de fêter la Cène, la veille de la passion de la mort du Christ. Or ce repas du Christ et des Apôtres correspond à la fête juive de Pessah, la pâque juive, qui commémore l’exode d’Egypte. Cette fête a lieu le 14 du mois juif de Nissan, au soir, ce qui correspond en fait au début du 15 Nissan, puisque selon la tradition juive, le jour commence au coucher du Soleil. Pour les Chrétiens, qui changent de jour à minuit, la Cène est le 14 Nissan et la Passion le 15, alors que pour les Juifs, Pessah est le 15 Nissan.
Que vient faire la lune dans cette affaire ? En fait, le calendrier juif est luni-solaire : les mois suivent à peu près les lunaisons, et comptent 29 ou 30 jours. Mais les Juifs veulent aussi suivre le Soleil, et une année de 12 mois lunaires est trop courte de 10 à 12 jours. Pour y remédier, certaines années juives comptent 13 mois lunaires. Au bout d’un cycle de 19 ans, dont sept années de 13 mois, le début des lunaisons revient en première approximation aux mêmes dates de l’année solaire. C’est le cycle de Méton, du nom du géomètre grec vivant à Athènes au siècle de Périclès.
On voit qu’il n’y a pas de correspondance simple des dates juives dans notre calendrier solaire, le calendrier grégorien. Toutefois, le début du mois de Nissan, marqué par la nouvelle lune, tombe au plus tôt le 8 mars. Le quatorzième jour de la Lune tombe donc au plus tôt le 21 mars, ce qui éclaire la définition adoptée au concile de Nicée. En outre, cette date a une valeur symbolique, puisque c’est celle de l’équinoxe de printemps.
Pour s’y retrouver dans les lunaisons, l’Eglise va adopter un calendrier lunaire perpétuel, un cycle de 19 ans où une lune fictive, nommée lune de comput, mais pas pas très éloignée de la Lune réelle, effectue 235 lunaisons avant de revenir aux mêmes dates. On retrouve là le cycle de Méton. Cela fut bien sûr effectué dans le calendrier julien, qui fut le calendrier de la Chrétienté jusqu’à la réforme du pape Grégoire XIII au XVIe siècle et est encore en usage chez les Orthodoxes. Dans le calendrier julien, les choses sont simples : une année sur quatre est bissextile et compte 366 jours au lieu de 365. Il est alors assez simple de trouver, dans le calendrier lunaire perpétuel julien, pour un rang donné d’une année au sein du cycle de 19 ans (le « nombre d’or »), la lunaison dont le 14e jour tombe après le 21 mars, puis la date du dimanche qui suit ce 14e jour.
Dans le calendrier grégorien, issu de la réforme de Grégoire XIII, et qui est aujourd’hui le nôtre, le calendrier lunaire perpétuel est un peu plus compliqué. En effet, les années séculaires (celles du changement de siècle), bissextiles dans le calendrier julien, ne le sont plus dans le calendrier grégorien, sauf tous les quatre siècles, lorsque le millésime de l’année séculaire est divisible par 400. Outre cette complication, les réformateurs grégoriens ont aussi voulu corriger l’imprécision de cycle de Méton et du calendrier lunaire perpétuel julien fondé sur ce cycle, et ont introduit des corrections.
Au vu de cette complication nouvelle, il n’est pas surprenant que dans le calendrier grégorien, les mêmes dates de Pâques reviennent... tous les 57000 siècles, soit 5,7 millions d’années !
Les algorithmes pour déterminer la date de Pâques dans les calendriers julien et grégorien sont donnés plus loin. Mais ils sont compliqués et sont truffés de règles spéciales, pour tenir compte des exceptions. En revanche, si l’on se limite à la période allant de 1900 à 2099 inclus, il existe une méthode simple conçue par Thomas O’Beirne de Glasgow et qui ne souffre d’aucune exception. T. O’Beirne pouvait mémoriser sa méthode et réalisait ainsi le tour de force de donner la date de Pâques pour n’importe quelle année de la période considérée, en faisant tous les calculs de tête.
Pâques tombe en mars ou en avril. Sa date la plus précoce possible est le 22 mars : c’est arrivé pour la dernière fois en 1818 (un jour de pleine lune) et cela ne se reproduira pas avant 2285. La date la plus tardive est le 25 avril : c’est arrivé pour la première fois en 1943 et ne se reproduira pas avant 2038.
Le but du problème est de programmer les algorithmes permettant de déterminer la date de Pâques.
L’algorithme permettant de connaître la date de Pâques P dans le calendrier julien pour une année A en jours de mars est :
[x] signifie que l’on prend la partie entière de l’expression entre crochets, [x]y que l’on prend le reste de la division entière de x par y (on dit « x modulo y »).
Pour le calendrier grégorien, on introduit deux paramètres, qui apparaissent dans de nombreux calendriers, dont le calendrier des postes : l’épacte, que l’on définit comme l’âge de la Lune au 1er janvier, diminué d’une unité ; et la lettre dominicale, qui est la lettre de l’alphabet qui correspond au dimanche au sein d’une année si l’on attribue au premier jour de l’année la lettre A, au deuxième la lettre B, etc. La lettre dominicale est donc une lettre de A à G. On utilisera plutôt le rang de cette lettre, noté I, qui varie de 1 à 7.
L’algorithme pour calculer l’épacte e et le chiffre dominical I pour une année grégorienne A = 100c + u, où c est le siècle moins une unité, et u le rang de l’année dans le siècle :
On trouve alors la date de Pâques P grégorienne en jours de mars par la formule :
où e′ = e si e < 24, e′ = 25 si e = 24 et e′ = e- 30 si e > 24. Il y a hélas une exception liée à la présence de deux épactes 25 dans le calendrier lunaire perpétuel grégorien, notées par exemple 25 et XXV pour les distinguer. On utilise la seconde lorsque le nombre d’or est supérieur à 11. Lorsque l’épacte vaut XXV, il faut prendre e′ = 26.
L’algorithme de Thomas O’Beirne est plus simple :
La solution actuellement proposée est donnée par les fichiers MatLab : Paques.m et PaquesStat.m.